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Photo du rédacteurFO Leroy Merlin

Une actualité sociale chargée chez Leroy Merlin : Temps de travail, classification des métiers ...

Dernière mise à jour : 1 mars 2023

Après des NAO productives, la direction et les syndicats de Leroy Merlin mènent deux négociations majeures pour les 30 000 salariés français de l’entreprise. La première sur le temps de travail, après la dénonciation par la CFTC et la CFDT de l’accord signé en 2017. La deuxième sur la classification des métiers, pour refondre un accord conclu il y a 24 ans. "Nous avançons bien sur ces deux sujets", estime le DRH, Sébastien Jenvrin, joint par AEF info jeudi 9 février 2023. Dubitatifs, les syndicats affûtent leurs arguments dans le cadre des élections professionnelles du 16 mars 2023.


Fin 2021, le numéro 1 français du bricolage a connu un mouvement social inédit dans son histoire, obligeant la direction à concéder des augmentations de salaire (lire sur AEF info). Un an après, les NAO se sont déroulées dans une atmosphère plus sereine. "Cette session a été complètement différente puisque les cinq organisations syndicales sont signataires de l’accord", se réjouit Sébastien Jenvrin, DRH de Leroy Merlin. Après avoir lâché une première augmentation générale de 1,5 % en avril 2022, la direction a consenti en novembre 2022 une augmentation générale de 3,8 % (avec un minimum de 80 € et un plafond à 200 € pour les salaires au-delà de 5 000 euros). "Aujourd’hui, nous avons des premiers niveaux de rémunération autour de 1 850 euros sur 13 mois et nos salaires sont mieux-disant que ceux des autres enseignes de retail", revendique Sébastien Jenvrin. La valeur du titre-restaurant est aussi passée de 8 à 9 €.


La CFTC (majoritaire avec plus de 40 % des voix en 2019), la CGT, la CFDT, FO et la CFE-CGC ont approuvé ces mesures de revalorisation. "Sur un an, entre novembre 2021 et novembre 2022, les salaires ont augmenté de 9,8 %", calcule Jean-Marc Cicuto, délégué syndical central CFTC. "Des efforts ont été faits pour coller à l’inflation, même si nous avons eu une année très compliquée pour le montant des primes", commente Romain Coussin, délégué syndical central CGT. "Il était nécessaire de répondre à un sentiment d’injustice assez profond des salariés qui ont beaucoup donné pendant deux ans de Covid sans être récompensés de cet investissement", estime Bernard Vigourous, délégué syndical central FO. Ce sentiment s’est traduit par une nette augmentation du turnover, selon les syndicats.


"Ces NAO réussies montrent que les syndicats ne lâchent rien et sont montés en compétences", analyse Jean-Marc Cicuto (CFTC). "Le mouvement de 2021 a marqué un vrai tournant." Les organisations représentatives des salariés veulent confirmer leur influence lors des élections professionnelles du 16 mars 2023. "C’est la première fois de l’histoire de Leroy Merlin qu’il y aura plus de 50 % d’élus figurant sur des listes syndicales, alors qu’auparavant les élus étaient souvent sans étiquette", remarque Romain Coussin. Des projections internes annoncent le maintien de la CFTC à la première place et une montée en puissance de la CGT, qui passerait de la troisième à la deuxième place, supplantant la CFDT.


Après ce rendez-vous électoral, les représentants du personnel devront reprendre le fil de deux négociations essentielles, l’une sur le temps de travail, l’autre sur la classification des métiers.


TEMPS DE TRAVAIL : UNE NÉGOCIATION SOUS PRESSION


La CFTC puis la CFDT ont dénoncé fin 2021 l’accord ARTT signé en juin 2017 par la CFTC, la CFDT et la CFE-CGC. "La direction ne respectait pas les règles de cet accord, réclamant toujours plus de souplesse sans contrepartie", explique Jean-Marc Cicuto. "Nous allons adopter une posture extrêmement dure car ce sujet est crucial pour les salariés", prévient-il. La CGT et FO, non-signataires de l’accord précédent, sont tout aussi mobilisées. "Il y a énormément d’abus : des plannings donnés ou modifiés sans respecter les délais, parfois du vendredi pour le lundi ; des temps de pause trop longs pour le déjeuner ; des coupures plus nombreuses", dénonce Bernard Vigourous. La montée en puissance du travail dominical - sur la base du volontariat - fait aussi débat.


"La négociation sur le temps de travail concerne le coeur de l’activité de l’entreprise", pointe Sébastien Jenvrin. "Nous profitons de la dénonciation de l’accord précédent pour aller vers un accord plus moderne qui épouse les réalités de nos trois environnements de travail : les entrepôts, les services centraux et les magasins. Nous souhaitons que nos collaborateurs puissent être acteurs de leurs horaires avec une visibilité à cinq semaines. Plutôt que de les subir, ils les choisiront, ce qui facilitera l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle."


La négociation doit se terminer avant juillet 2023, sans quoi l’entreprise basculera sur l’accord de branche, dont personne ne veut. "L’accord de branche aujourd’hui n’est pas recevable, on n’a aucun intérêt à y aller", estime le DRH. "Si on tombe dans l’accord de branche, tout le monde sera perdant", dit aussi la CGT. "Ce serait une catastrophe pour l’entreprise et les salariés", juge également Jean-Marc Cicuto. "Malgré ce risque, la négociation n'a pas avancé d'un iota en six mois", regrette-t-il.


"Les syndicats veulent toujours aller vite mais il faut prendre le temps d’agréger toutes les parties prenantes pour avoir un accord qui parle aux 30 000 collaborateurs", répond Sébastien Jenvrin. "Après l’élection professionnelle, on va mettre les gaz pour boucler cet accord. Je suis assez confiant, on avance bien", ajoute le directeur des ressources humaines.


CLASSIFICATION DES MÉTIERS : UN SUJET RH STRUCTURANT


Deuxième sujet de négociation : la classification des métiers, régie par un accord datant de 1999. Les évaluations individuelles et les augmentations sont attribuées selon un système baptisé "DOME" : un salarié peut "débuter" (D), "occuper" (O) son poste, le "maîtriser" (M) ou en devenir "expert" (E). "Cet accord décrit le travail tel qu’il se pratiquait il y a 24 ans chez Leroy Merlin, autant dire la préhistoire", ironise Jean-Marc Cicuto. "Au fil du temps la direction a ajouté des strates entre les niveaux sans prendre en compte les tâches réelles des salariés. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui beaucoup sont au niveau M mais que nous n’avons que 400 experts. Le système est bloqué", développe le délégué CFTC.


"DOME, c’est un système un peu pervers", soupire Bernard Vigourous, chez FO. "Chaque année, la direction ajoute des items supplémentaires, ce qui rend plus difficile l’accès au niveau supérieur. Les salariés trouvent que c’est flou. Nous demandons une classification avec de vrais critères, des fiches métiers, des fiches de poste. L’entreprise nous répond que ce n’est pas possible parce qu’on est en constante évolution. Dans ce cas, créons un observatoire des métiers avec les organisations syndicales pour analyser la réalité des métiers !"


"L’ancien accord sur la classification des métiers fait encore le job pour une grosse partie de nos collaborateurs", considère Sébastien Jenvrin. "Sur d’autres métiers, nous avons de nouveaux enjeux : créer des passerelles entre les métiers, valoriser l’expérience des collaborateurs par des promotions horizontales, mieux épouser nos enjeux métiers. Il faut donc un nouvel accord. J’ai un niveau de confiance assez fort sur le fait que nous allons y arriver. La négociation a été engagée il y a un an maintenant. J’aurais aimé que ce soit fait avant l’été mais ce sera sans doute plutôt entre juillet et septembre."


Une fois fermés ces deux cycles de négociation, la direction et les syndicats ont décidé de s’atteler à d’autres chantiers : compte épargne temps, plan d’épargne retraite collectif, emploi des seniors. "Sur les seniors, nous ne partons pas de rien puisque nous avons déjà l’entretien de fin de carrière, la préparation à la retraite, la possibilité de passer à temps partiel, l’organisation d’un entretien de fin de carrière à partir de 60 ans, un dispositif de retraite progressive, de la formation… Mais on sent qu’on a besoin de faire un bond en avant et d’aller vers un accord structurant", indique Sébastien Jenvrin.


Sylvain Marcelli

Journaliste AEF Info

www.aefinfo.fr

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